Non-rétroactivité des périodes de référence introduites par la loi Le Meur pour réputer un local à usage d’habitation

Les dispositions de la loi Le Meur, dite « anti-Airbnb », instituant deux périodes de référence pour démontrer l’usage d’habitation du local sont des règles de fond plus sévères qui ne peuvent faire l’objet d’une application rétroactive. Ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’aux locations commencées à compter du 21 novembre 2024, date d’entrée en vigueur de la loi.

 

Le tribunal judiciaire de Paris a formé une demande d’avis auprès de la Cour de cassation dans un litige opposant la ville de Paris à une société civile immobilière. Cette dernière a donné à bail l’appartement à son dirigeant et associé qui a sous-loué le logement en tant que meublé de tourisme. La mairie de Paris les a assignés afin de voir prononcer à leur encontre une amende civile sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, modifiés par la loi Le Meur, visant à encadrer les locations des meublés de tourisme.

Les questions posées à la Cour portaient sur la détermination de l’usage d’habitation du local, donnant lieu à une amende civile en cas de changement d’usage illicite, avant l’entrée en vigueur de la loi Le Meur du 19 novembre 2024 et l’application de cette dernière dans le temps.

La difficulté réside dans l’absence de dispositions transitoires de cette loi.

La Cour de cassation rappelle les règles en matière d’application de loi dans le temps en matière pénale, s’agissant d’une amende. Le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus dure qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

Elle constate que la loi Le Meur modifie les éléments à prendre en considération pour réputer un local à usage d'habitation, en substituant à la seule date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes d'une durée respective de sept et trente ans. Dès lors, elle affecte les règles de fond et a pour effet de soumettre à un régime d'autorisation préalable le changement d'usage de locaux qui n'en relevaient pas dans la rédaction antérieure du texte. Cette loi doit être regardée comme plus sévère et ne peut faire l'objet d'une application rétroactive.

Civ. 3e, avis, 10 avr. 2025, n° 25-70.002

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